Par Yves Bellavance, coordonnateur de la Coalition montréalaise des Tables de quartier.
L’accès des organismes communautaires à des locaux abordables et adéquats est une problématique sur laquelle nous travaillons depuis plusieurs années avec de multiples partenaires.
Cette crise s’est amplifiée dans les derniers mois avec l’expulsion de dizaines d’organismes communautaires et des CPE de bâtiments du Centre de service scolaire de Montréal (CSSDM), mais aussi d’églises. Les délais d’éviction sont très courts et tous ces organismes font face à un énorme casse-tête pour se relocaliser près de leur lieu d’intervention, à un coût raisonnable.
Les impacts de ces évictions sont nombreux : fragilisation des organismes, érosion des services à la population, effritement du tissu communautaire, etc. Tous les partenaires, y compris le CSSDM, jugent que ces organismes communautaires sont indispensables. Mais pour qu’ils puissent jouer leur rôle, il faut leur garantir l’accès à un local dans la communauté. C’est logique.
En ce qui concerne ses bâtiments scolaires, le CSSDM maintient qu’il n’a pas le choix d’en reprendre certains en raison de l’augmentation de sa clientèle scolaire. Il affirme aussi que la location d’espaces aux organismes communautaires ne relève pas de sa mission éducative et souhaite donc se départir de bâtiments qu’il n’utilise pas pour loger sa clientèle. Rappelons que le gouvernement libéral avait, il y a quelques années, intimé à la CSDM de cesser de gérer des bâtiments excédentaires et l’encourageait à se départir de ces « actifs » afin que la Société québécoise des infrastructures (SQI) puisse ensuite les mettre en vente.
Fort bien. Mais la situation n’est toutefois pas aussi simple. Depuis des dizaines et des dizaines d’années, la CSDM (ancêtre du CSSDM) louait des espaces disponibles aux organismes communautaires à des prix avantageux, considérant que l’ancrage des organismes dans la communauté était un plus pour la population du quartier et les liens communauté/écoles. Cette vision de la vie en société est toujours pertinente. De surcroit, plusieurs organismes logés dans ces bâtiments offrent des services directement en lien avec les écoles du quartier : aide aux devoirs, préparation de repas destinés aux élèves, soutien aux familles, francisation, halte-garderie, etc. On ne peut pas simplement faire fi de tous ces aspects de la vie en communauté.
D’autre part, ces bâtiments ont été payés et entretenus avec nos impôts. Ce sont des biens publics qui ne doivent pas se retrouver sur le marché privé et finir en développement de condos inabordables pour les populations des quartiers. Ce patrimoine collectif ne doit pas être dilapidé et doit demeurer accessible pour des usages collectifs et à but non lucratif.
Avec le Regroupement intersectoriel des organismes communautaires de Montréal (RIOCM), nous interpellons le gouvernement du Québec afin qu’il s’engage à trouver des solutions. En effet, à partir du moment où le CSSDM n’a plus de pouvoir sur l’avenir de ces bâtiments et puisque ceux-ci demeurent la propriété du gouvernement via la SQI, il faut que le gouvernement prenne ses responsabilités et contribue à la vivacité de nos communautés. La Ville de Montréal s’active pour contribuer à la recherche de solutions, mais c’est le gouvernement qui a en mains les clés de la solution.
Nos demandes :
- La mise en place de toute urgence d’un comité de travail interministériel avec le milieu communautaire que nous représentons afin de trouver des solutions à court terme et à long terme pour les organismes évincés et pour que ces bâtiments demeurent au service de la collectivité.
- Travailler au développement de fonds d’acquisition et de rénovation, qui pourraient permettre éventuellement aux organismes qui le souhaitent d’acquérir ces bâtiments (car les investissements nécessaires vont au-delà de la capacité financière d’organismes communautaires).
- D’ici là, un moratoire sur la vente ou l’aliénation des bâtiments scolaires excédentaires, le temps de trouver des solutions.
La crise des locaux communautaires fait la une des journaux depuis des semaines. Nous aimerions un signal de Québec sur cette question en espérant que ce soit les solutions à ce problème qui fassent maintenant la une.