Par Yves Bellavance.
Le temps passe vite. Nous voici déjà aux portes de la rentrée 2023. J’espère que votre été fut reposant et empreint de sérénité. Parce que, oui, nous avons droit à des pauses, aux repos, à se ressourcer émotivement auprès de personnes que nous aimons.
Ce qui est déprimant, c’est de constater que ce n’est pas tout le monde qui peut avoir accès à ces oasis, plusieurs étant pris dans des casse-têtes locatifs, financiers et émotifs.
Le principal sujet de conversation durant la période estivale fut certes la météo, l’instabilité de celle-ci. Les orages, les « tornades », les vents violents, les inondations, la canicule… et les morts et détresses qui les accompagnent. Et ces feux de forêt : une terrible situation qui entraîne une perte de son environnement immédiat, de ses biens, de son travail. Nous l’avons aussi ressenti dans notre métropole caniculaire.
Ce fut un sujet de conversation, mais également des marqueurs assez clairs des changements climatiques et des défis qui nous attendent. Le résultat direct du refus d’avoir fait face à nos responsabilités depuis plus d’une trentaine d’années. La politique de l’autruche.
Un été social sous le signe de la politique de l’autruche
Cet été a aussi été sous le signe de la crise de l’habitation. Des centaines de familles n’ont pas réussi à se trouver un logement et plusieurs autres ont réussi, mais en se contentant de logements inadéquats ou bien en s’empilant dans des logements trop petits. Et pendant ce temps-là, nos décideurs tournent toujours en rond en ne proposant pas de solutions structurantes.
En fait, on en a proposé cet été des solutions pour les plus mal pris des mal pris : fermer les campements de fortune et déplacer ces personnes vers d’autres arrondissements, en se fermant les yeux très très fort pour que ça passe tout seul. La politique de l’autruche.
Les médias nous ont également appris que, malgré la fermeture du chemin Roxham, il n’y a eu aucune baisse du nombre de personnes demandeuses d’asile comparativement à l’an dernier. Il y a même une hausse. Mais cela, nous l’avions prédit. Nous faisons face à une crise mondiale. Plutôt que de jouer à une gueguerre de l’image pour faire diversion, il aurait fallu commencer par doter ces personnes, et les organismes de première ligne qui les accompagnent, de ressources suffisantes. Mais bon… politique de l’autruche. Ça va passer tout seul.
En fin d’été, les manchettes ont tourné autour de la crise des locaux communautaires dans Hochelaga-Maisonneuve. Une situation provoquée par l’éviction de plusieurs organismes communautaires des bâtiments du Centre de services scolaires de Montréal. Des ressources d’aide alimentaire du quartier sont maintenant contraintes de cesser leurs activités de dépannage. Pourtant, la situation est connue depuis longtemps : ça fait neuf mois que nous avons interpellé le gouvernement à ce sujet. Sa réponse dans les médias : on y travaille… Politique de l’autruche?
Peut-être que si on ne le sait pas, ça va passer tout seul?
Enfin, les manchettes elles-mêmes ont subi un dur coup cet été. En quelques semaines, nous avons appris l’arrêt des activités de Métro Média et la fermeture de MAtv. Les médias traversent depuis des années une crise majeure, notamment en raison de la baisse drastique des revenus publicitaires, redirigés pour la plupart vers les grands joueurs du web (dont Google et Meta qui sont au cœur d’un bras de fer avec le fédéral).
Moins solides, les petits médias locaux sont les premiers à tomber dans le domino médiatique. Ils sont pourtant essentiels à la vitalité démocratique – pour surveiller notamment la politique locale, qui passe sous le radar des grands médias – et au développement d’un esprit de communauté. La disparition de ces médias a des impacts importants dans notre réseau : moins d’information sur les enjeux de proximité pour la population, affaiblissement de l’engagement citoyen, difficulté à faire connaître les activités pour la communauté et à les mobiliser dans le développement de leur quartier.
Mais ça, ça ne semble pas émouvoir grand monde. On préfère créer encore une fois de la diversion en parlant de la richesse des propriétaires des médias plutôt que de se retrousser les manches et se battre pour conserver ce droit à l’information locale. La CMTQ a fait partie d’un comité aviseur sur l’avenir des médias locaux en 2022 et parmi les recommandations, certaines interpellaient Québec et Ottawa, mais aussi l’administration municipale. En éliminant son soutien aux médias communautaires il y a plusieurs années et en mettant fin à l’obligation de publication des avis publics dans les journaux locaux, Québec a contribué lui aussi à la crise, tout comme la Ville de Montréal qui ne publie plus ses avis.
Pour agir ensemble
Il faut de toute urgence réinventer collectivement une formule de soutien à ’information locale… à moins qu’on souhaite s’habituer à ne rien savoir. Comme l’autruche.
Pour les Tables de quartier, les défis sont nombreux dans ce contexte. Cela signifie qu’elles doivent renouveler les stratégies de communication pour se faire connaitre et amener la communauté locale à participer au développement et aux enjeux de leur quartier. Je lance donc ici le défi aux partenaires financiers de réfléchir à la situation et de contribuer à la consolidation de postes en communication, devenus plus que jamais nécessaires et stratégiques.
Pour le reste, pour tous ces enjeux sociaux et climatiques si pressants, il commence déjà à se faire tard. Montréal est de plus en plus inaccessible pour plusieurs. C’est pour cela qu’il faut redresser la barre, aller plus loin que les beaux paragraphes à ce sujet dans les politiques publiques et poser rapidement les jalons d’un Montréal juste et inclusif.