Garder le cap pendant la tempête

Garder le cap pendant la tempête

Par Yves Bellavance

Il y a cinq ans, notre vie a été complètement chamboulée par la COVID-19. Une longue dérive de deux ans où plusieurs ont été victimes d’un naufrage économique, social ou psychologique.

Nous avons été touché·es à différents niveaux, personnellement ou professionnellement. Notre réseau des Tables de quartier, lui, s’est « reviré de bord » en quelques jours, voire quelques heures à peine, afin de rejoindre et soutenir les populations vulnérables et isolées et jouer un rôle crucial dans la coordination des cellules de crise locales. Une belle démonstration de solidarité, parce que cette pandémie a aussi été un moment d’entraide.

On le sait, les impacts de cette pandémie n’ont pas été les mêmes pour tout le monde. Elle a même accentué les inégalités sociales.

On a eu beau pousser un gros soupir de soulagement à la fin de cette crise sanitaire, il n’en reste pas moins qu’au sortir de la pandémie, on s’est retrouvé avec d’autres sales virus qui se sont développés durant celle-ci et ont pris de l’ampleur : crise inflationniste, crise du logement, crise de l’itinérance, crise de santé mentale, etc. Mais face à ces virus sociaux, aucun vaccin n’a été inoculé. Pourtant, les dommages sont majeurs et on n’est loin d’être sortis de la pauvreté et de la détresse.

Concrètement, les organismes qui travaillent avec les populations vulnérables ou qui leur viennent en aide nous le disent depuis la fin de la pandémie : plus de personnes ont recours à leurs services, ils sont débordés, ils ont un manque de ressources, et les enjeux sur lesquels ils interviennent se complexifient.

Le pyromane en chef

Déjà débordés dans nos luttes quotidiennes pour la dignité humaine et le respect des droits de tout le monde, nous voilà maintenant aux prises avec un virus supplémentaire, celui des oligarques et de leur vision d’une société d’un autre siècle.

L’élection de celui dont je ne veux pas prononcer le nom et de tous ces oligarques et idéologues droitistes qui le contrôle, nous plonge maintenant dans une surréelle guerre commerciale des États-Unis contre le Canada.

Cette guerre, si elle se poursuit (car on ne sait plus si c’est une stratégie ou seulement un sinistre jeu d’intimidateur), aura des conséquences sur notre économie, causera des pertes d’emploi, de l’appauvrissement. Et, en conséquence, plus de problèmes de santé mentale, plus de violence, plus de gens en file à la banque alimentaire, plus de gens à la rue et plus d’itinérance.

Bref, ajouter de l’huile sur le feu, que dire un gallon d’essence, sur un feu déjà assez intense.

Mais, au-delà des tarifs, il y a pour moi une guerre beaucoup plus dangereuse qui se déroule présentement, celle sur le plan culturel, sur les valeurs et sur une vision solidaire et inclusive de la société.

Les droits des femmes, des personnes LGBTQ+, des minorités visibles, des populations immigrantes sont attaqués de plein fouet. La justice sociale, la lutte aux changements climatiques, la participation à la vie démocratique, le pouvoir du collectif, tout ça est maintenant honni. Le contrôle de la justice, des médias, de la recherche et de la culture visent à imposer cette vision d’une société au bénéfice des oligarques et leurs sujets.

Le projet est de retourner vivre comme en 1950 avec les femmes à la maison, les gais à l’asile, les noirs à leur place, conduire mon gros truck et polluer comme bon il me semble 🙄.

Ça n’arrivera pas ici

Ah, mais c’est aux États-Unis me direz-vous. Qu’on ne s’y trompe pas, ici aussi il y a des gens qui pensent comme ça. Nous entendons de plus en plus (et sans conséquence) des discours décomplexés ici aussi sur les mêmes sujets, des choses que nous n’aurions jamais pensé entendre de notre vivant.

Du mépris envers les plus vulnérables (traiter les personnes en situation d’itinérance de déchets), des menaces contre les féministes, des blâmes laissant entendre que tous nos problèmes sont causés par l’immigration, du rejet des personnes trans, des « analyses » qui remettent en question l’État-providence.

Tout cela crée un climat très anxiogène. Déjà, les changements climatiques créent de l’anxiété. Survivre dans la vie quotidienne crée aussi son lot d’anxiété. Ça commence à faire beaucoup. Et il faut en tenir compte dans notre travail.

L’isolement et l’individualisme sont les pierres d’assises de cette vision. La meilleure façon de diviser et de régner. Voilà pourquoi, devant cette tempête, il est nécessaire de garder le cap du travail collectif, du travail collaboratif. Cela les fait rager.

Il faut donc être vigilant et ne pas reculer sur la pertinence de nos espaces démocratiques, sur le travail visant à faire valoir et reconnaître les voix collectives de nos communautés.

Une nouvelle procédure judiciaire contre les treize organismes du centre Laverdure est entamée par le Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM). Solidarité Ahuntsic mobilise ses troupes. Source: Journal des voisins

Plus que jamais, nos communautés, et particulièrement les populations plus vulnérables, ont besoin de nous, de ce travail collectif, de cette vision solidaire et inclusive de notre société. Il faut promouvoir ce travail collectif.

Il faut se serrer les coudes, défendre les populations attaquées, prendre soin des autres mais aussi de nous-mêmes. Faire de la bienveillance une valeur clé… car ça aussi ça les fait rager.

Soyons un gros parapluie collectif qui nous protège de cette tempête.

Gardons le cap.