Par Gessica Gropp, chargée de projet sur les locaux communautaires.
Dans l’actualité des dernières semaines, différents acteurs se sont prononcés sur les enjeux, les obstacles et les prochaines étapes souhaitées pour revaloriser les lieux de culte. Un tour d’horizon de ces points de vue permet de rappeler les défis rencontrés pour moderniser tout bâtiment religieux, étape pourtant nécessaire avant d’envisager des utilisations à but non lucratif éventuelles.
La Coalition montréalaise des Tables de quartier (CMTQ) est engagée dans la recherche de solutions prometteuses pour l’hébergement d’organismes communautaires montréalais. Dans cette perspective, les points de vue exposant les besoins d’hébergement que rencontrent les organismes communautaires contribuent à étoffer les revendications de longue date de la CMTQ pour la conversion des lieux de culte en faveur du milieu communautaire.
Les médias partagent régulièrement des exemples de lieux de culte qui ferment, qui sont laissés vacants ou qui sont démolis. Ces reportages nous démontrent à quel point on occulte plusieurs occasions de répondre à des besoins fondamentaux et de faire revivre ces espaces considérés comme un patrimoine collectif.
La fermeture des églises est un processus bien entamé. Les articles parus dans Le Devoir nous informent que, depuis 20 ans, c’est le quart des sites religieux qui ont fermé ou été reconvertis, ou été démolis. Cette tendance est une réalité autant urbaine que rurale. Dans certains quartiers montréalais, ce sont souvent plusieurs églises dans un même secteur qui sont barricadées et vouées à la décrépitude.
Le potentiel d’occupation communautaire des bâtiments religieux : un maillage historique
Le cycle de vie des bâtiments religieux a un impact important sur le sort de nombreux organismes. Les communautés religieuses ouvrent fréquemment leurs portes aux organismes puisqu’ils portent des missions complémentaires et sont souvent situés stratégiquement au cœur des milieux de vie urbains et à proximité des écoles. De plus, pour bon nombre d’organismes qui ont besoin de vastes espaces, un sous-sol d’église reste une option abordable. Quand une église ferme, c’est donc tout un écosystème d’entraide qui est touché.
Par ailleurs, nous n’avons pas encore pleinement mesuré à quel point s’amoindrissent les chances de conserver un bâtiment dès le moment où il n’est plus occupé. Si on considère que les organismes peuvent être un élément clé du ralentissement de la vétusté du patrimoine religieux, nous devrions envisager autrement les charges demandées aux occupants à but non lucratif en attendant qu’un projet de reconversion se mette sur pied.
Que doit-on attendre des législateurs.trices?
Dans le récit des articles parus dans Le Devoir, on mentionne que les initiatives permettant la sauvegarde d’églises viennent le plus souvent de citoyen·nes laïcs, mais que la Loi sur les fabriques interdit à de nombreux citoyen·nes de siéger au conseil d’administration de leur église de quartier. A contrario, la Loi sur la laïcité exclut d’emblée les conseils de fabrique de la discussion sur le futur de l’église, alors que ce sont eux qui tiennent à bout de bras ces bâtiments. Ce contexte légal ambigu rend pratiquement impossible toute tentative de réfléchir à l’avenir de ces sites. Les projets de reconversion doivent pouvoir compter sur la rencontre entre les connaissances historiques et techniques des occupants du passé et les aspirations et l’énergie de prochains protagonistes.
De nombreux articles ont mis en lumière l’importance du rôle des municipalités afin de participer à la sauvegarde du patrimoine bâti religieux. Que ce soit grâce à des projets-pilotes, en appliquant la réglementation relative à l’entretien et à l’occupation de bâtiments, ou en jouant le rôle de bougie d’allumage pour mobiliser la communauté autour de démarches de reconversion, la municipalité dispose, en effet, d’expertises variées pour alimenter les bonnes pratiques.
Il est crucial de rappeler que les églises sont juridiquement des propriétés privées. Sur le plan moral, elles sont certainement collectives, mais il y a plusieurs étapes à franchir pour consolider ce statut. Les moyens financiers et les lois qui encadrent toute reprise d’un site religieux relèvent du gouvernement du Québec. Or, devant les incohérences et vides juridiques et les difficultés à trouver des ressources financières pour mener à bien tout projet de conversion, il y a lieu d’être inquiet. Les principaux interlocuteur·trices du gouvernement et des ministères interpellés demeurent muets face aux nombreux appels provenant du milieu communautaire.
Une vision globale plutôt qu’une gestion au cas par cas
Un angle qui est peu présenté dans les récents articles concerne l’avenir des bâtiments religieux qui ne sont pas récupérables, sur le plan architectural du moins. Soit en raison de leur structure décrépite, ou soit parce que les fonds de restauration sont tarissables, certains de ces bâtiments ne pourront pas être conservés. Pour bien saisir l’état de la situation, il y a probablement un exercice de bilan de santé du parc immobilier religieux à concevoir. Pour ce qui est des bâtiments dont la démolition sera inévitable, on y voit un canevas idéal pour poursuivre la trame urbaine et répondre à des besoins variés de la communauté.
Alors qu’il en coûte 1579 $ en moyenne pour un 3 et demi à Montréal et alors que les organismes occupent souvent des locaux dispendieux, mal ventilés, trop petits ou avec des déficits d’accessibilité universelle, la nécessité d’un éventail de projets immobiliers s’impose.
Bien évidemment, les communautés religieuses doivent être impliquées afin de contribuer aux stratégies identifiées pour maintenir la vocation sociale et communautaire des sites. Mais, la communauté doit être partie prenante des solutions à identifier. Au regard des enjeux locatifs actuels et des ressources nécessaires à la reconversion, il faudra par exemple évaluer la pertinence de vendre certains de ces sites sur le marché privé afin de pouvoir financer d’autres projets de logements sociaux, d’infrastructures collectives ou de pôles communautaires.
À quand des états généraux?
Enfin, nous joignons notre voix à toutes celles qui se sont exprimées en faveur d’états généraux sur cette question. Pour l’instant, nous avons entendu les archevêques du Québec s’exprimer en faveur de cette prochaine étape, et elle nous semble nécessaire si on veut mutualiser nos forces et se donner les moyens de planifier un virage collectif cohérent avec les besoins et défis contemporains.