Par Layla Belmahi, Coalition montréalaise des Tables de quartier.
En novembre dernier, Solidarité Mercier-Est (SME) tenait son Forum citoyen : Mercier-Est en mouvement, qui avait rassemblé plus de 150 résident·es de Mercier-Est. Ce jour-là, SME dévoilait les priorités votées par le quartier, et l’Arrondissement Mercier-Hochelaga-Maisonneuve annonçait l’octroi de 350 000$ pour la tenue d’un budget participatif.
Ce budget participatif a été officiellement lancé le 10 mars 2020… quelques jours avant que la crise de la COVID-19 n’oblige l’Arrondissement à repenser le format de cet exercice de démocratie participative, et à l’adapter au contexte.
Lisez l’entrevue de la CMTQ avec Amadou Dieng, agent de développement du territoire à Solidarité Mercier Est :
1. Quel est le rôle de Solidarité Mercier-Est dans la tenue de ce budget participatif?
Le budget participatif est porté par l’Arrondissement, qui est accompagné d’un comité de pilotage (constitué de citoyen·nes du quartier, de SME, d’élu·es et de fonctionnaires de la Ville), et du Centre d’écologie urbaine qui a un rôle de facilitation externe.
Notre rôle en tant que Table de quartier, c’est de mobiliser les citoyen·nes*. Cet élément de mobilisation est essentiel, et il se fait à travers les organismes communautaires du quartier. L’autre élément très important, c’est de veiller à ce que les priorités du quartier soient présentes dans les discussions, et de rappeler certaines demandes que nous faisons depuis plusieurs années. On est là pour assurer un arrimage avec les priorités du quartier, tout en facilitant certaines discussions entre les citoyen·nes et l’Arrondissement.
Pour nous, ce budget participatif, c’est le premier pas de l’après-forum. Comme ce budget participatif se base sur les idées émises au Forum, ça nous donne tout de suite quelque chose de concret qui implique les citoyen·nes, maintient le lien avec elles et eux, et concrétise leurs aspirations pour le quartier.
2. Quelles adaptations ont dû avoir lieu en raison de la crise de la COVID-19?
Ça a pris quelques semaines avant que l’Arrondissement ne décide de reprendre les activités, virtuellement. Il fallait revoir le processus et l’échéancier, et se réadapter au nouveau contexte sanitaire. Habituellement, la cheville ouvrière de ces consultations, c’est des événements en personne lors d’ateliers d’idéation, de collecte d’idées, de développement et de choix de projets. Avec les mesures préconisées par la santé publique, c’était quasiment impossible. On s’est même demandé si on allait devoir suspendre le processus de budget participatif pour cette année. Mais finalement, la décision fut de le faire de façon virtuelle.
Par exemple, au départ, nous étions censés tenir plusieurs rencontres d’information et de sensibilisation pour qu’un maximum de personnes puisse participer. En virtuel, il faut raccourcir les échéances. C’est aussi pour cette raison qu’on a choisi de se baser sur les priorités identifiées par les citoyen·nes au Forum de Mercier-Est de novembre dernier. Le portrait de quartier avait aussi été fait, et nous avions donc une banque de projets et de souhaits à notre disposition pour faciliter le lancement de la consultation sous son nouveau format.
3. Qu’est-ce qui fait que c’est un vrai défi, de tenir un budget participatif en ligne?
Le virtuel, c’est bien, mais ce n’est pas le meilleur outil pour rejoindre tout le monde. On veut vraiment que le budget participatif soit très populaire, comme pour le Forum. Pour le Forum, on avait fait le choix d’aller rencontrer les citoyen·nes. On allait dans tous les organismes communautaires et on parlait aux usagèr·es, aux membres, aux travailleurs et travailleuses des organismes. On approchait aussi les gens en face à face : on allait parler aux citoyen·nes dans les parcs pour leur dire de participer, par exemple. Et malgré tout ça, on avait comme critique qu’on n’arrivait pas à rejoindre certaines personnes. Quand on veut qu’un processus soit inclusif, ce n’est pas par Internet que ça passe. Même quelqu’un qui est déjà à l’aise trouve difficile d’être sur Zoom toute la journée.
On se préoccupe des personnes les plus isolées, moins à l’aise avec le net. Il y a ce défi d’inclusion et un réel intérêt de notre part de rejoindre ces populations cibles. L’idée c’est vraiment de pouvoir atteindre celles et ceux qui d’habitude ne sont pas là.
Alors on espère que les rencontres physiques seront bientôt possibles pour compléter les initiatives de consultation qui se font virtuellement.
4. Quelles solutions avez-vous mises en place pour pallier ces défis?
La stratégie en ce moment, c’est de faire de tous les organismes membres, des relais. Que ce soit en organisant un atelier virtuel avec leurs usagèr·es dans le cadre de leurs activités normales, à travers leurs réseaux sociaux pour diffuser l’information, ou en distribuant des dépliants et des formulaires sur leur site pour que leurs membres puissent en bénéficier ou les remplir.
Un autre exemple de solution, c’est que tous les organismes dans le réseau alimentaire, lors des distributions de paniers, inclueront aussi des dépliants. Et le jour de distribution aussi, il y aura une boîte et un formulaire pour la collecte des idées. Donc ça sera une façon d’impliquer les personnes qui bénéficient de l’aide alimentaire. La Table de quartier sera le pivot, en relai avec tous les organismes, pour pouvoir rejoindre le plus de monde possible.
On aura aussi des ateliers virtuels ciblés avec la Maison des Familes de Mercier-Est, L’Antre-jeunes, Info-femmes, et le Chez-nous qui s’occupe des aîné·es. On fait aussi le tour des commerçant·es avec l’association des commerçants pour qu’ils puissent tapisser leurs vitrines d’affiches. Et certain·es vont recevoir des boîtes pour collecter des formulaires de participation. C’est ce maillage qu’on a mis en place pour espérer rejoindre le maximum de monde possible. On est aussi en train d’identifier des leaders de certaines communautés culturelles pour qu’ils et elles soient aussi des relais. De son côté, l’Arrondissement déploiera ses moyens de communication et de sensibilisation.
On espère tout de même que des rencontres physiques seront bientôt possibles. Comme il y a plusieurs étapes, les premières idées émises seront ensuite retravaillées par des citoyen·nes. Cette partie sera plus simple à organiser en personne. La démarche s’échelonnera jusqu’à janvier 2021!
* Par le terme « citoyen·nes » , nous désignons toute personne habitant dans le quartier.